La mutation du facteur V de Leyden

Les anticoagulants oraux sont un produit ancien, fiable, à condition de savoir comment ils fonctionnent et de bien suivre les recommandations

Si vous avez été mis sous anticoagulant oral, c'est que vous devez suivre un traitement à long terme suite à un thrombus et qu'il est nécessaire d'empêcher votre sang de coaguler à nouveau. Il n'y a pas que les personnes ayant une thrombophilie qui prennent ce genre de médication, celles ayant eu des opérations du coeur ou des troubles du rythme cardiaque sont sous anticoagulants à vie, ce qui explique que les grands spécialistes de l'anticoagulation soient les cardiologues.

Vous devez prendre des AVK, de quoi s'agit-il?

Un anti-vitamine K est un médicament anticoagulant, c’est-à-dire un médicament qui ralentit la faculté de votre sang à coaguler. Il agit en s’opposant à l’action de la vitamine K qui favorise la coagulation sanguine, d'où son nom " anti-vitamine K ", plus communément AVK. L'AVK ne rend pas le sang plus fluide, moins épais comme on l'entend parfois, il ne fait que contrôler l'hypercoagulabilité. Pour information, ce qui peut épaissir le sang est un produit comme l'EPO (tristement connu via les scandales dans le monde du cyclisme) et plus simplement la déshydratation. Lorsque vous commencez à avoir soif, cela signifie que votre corps a déjà un déficit d'un demi litre de liquide, le sang  est alors un peu moins liquide.

Selon votre cas spécifique, vous prendrez généralement les AVK sur une longue durée (plusieurs semaines, plusieurs mois, voire toute la vie).

L'effet de l'AVK s’installe progressivement en 2 à 4 jours et disparait progressivement quelques jours après l’arrêt du traitement.

Le traitement n'est pas sans risque, un surdosage peut provoquer une hémorragie, un sous-dosage mène à la coagulation sauvage, il est donc impératif de bien surveiller l'INR.

Lors de la mise en place du traitement par AVK, il y a une phase de tâtonnements pour trouver le bon dosage. Avec ce style de médicament, on ne prend pas un cachet identique tous les jours, mais une quantité différente. On vous donnera donc une liste par jour qui est à suivre exactement (du genre 1-2-1-1-2-1-2). Comme c'est difficile à retenir, il vous faudra vous armer d'un carnet sur lequel vous noterez les dates et les dosages (ce qui vous permettra une référence ultérieure) et vous avez tout intérêt à utiliser un pilulier semainier pour vous y retrouver.

Par le passé, on donnait ce que l'on appelait une « dose de charge » au début du traitement, c'est à dire une grande quantité d'AVK en une fois. Ceci pouvait avoir des conséquences négatives (nécroses, réactions allergiques...), on ne le fait donc plus. Les nécroses sont particulièrement effrayantes pour les patients, il faut savoir qu'elles se déclenchent dans un cas sur 10000 personnes, dans les premiers jours du traitement, notamment chez les personnes en surpoids (référence).

N'oubliez pas de toujours porter sur vous une carte indiquant le médicament que vous prenez ainsi que la zone cible et vos dosages !

L'INR cible

Selon ce que vous avez et les réactions de votre corps, le médecin fixera un INR cible, donc un chiffre à atteindre. Il se compose du taux le plus bas et le plus haut (vous pouvez voir un tableau dans la rubrique Examens médicaux). En général, votre INR cible joue sur 1 point, par exemple 2,5-3,5.

Vous devez surveiller les hémorragies possibles

Le danger des AVK est représenté par les hémorragies. Les INR dépassant 5 vous mettent en danger, mais le plus important est d'apprendre à vous observer et à suspecter une hémorragie lors de :

l'apparition d’un saignement externe :

  • saignement des gencives inhabituel et abondant
  • saignement du nez
  • hémorragie conjonctivale au niveau de l’œil (œil rouge)
  • présence de sang dans les urines
  • apparition d’hématomes (" bleus ") sans avoir "percuté un meuble"
  • présence de sang rouge dans les selles, ou selles noires pouvant traduire la présence de sang " digéré "
  • vomissements ou crachats sanglants
  • saignement d’une plaie qui ne cesse pas.

 Signes pouvant évoquer un saignement interne, invisible :

  • fatigue inhabituelle
  • pâleur inhabituelle
  • mal de tête ne cédant pas au traitement habituel
  • malaise inexpliqué.

En cas de suspicion d’hémorragie, il faut contacter rapidement votre médecin traitant, il vaut mieux se renseigner pour rien que de prendre des risques.

Vous avez oublié vos cachets?

Les AVK se prennent tous les jours à la même heure, de préférence le soir pour pouvoir adapter les quantités après un test. Attention : les AVK à demi-vie courte comme le Sintrom se prennent 2 fois par jour (référence, référence). Si l'on vous prescrit ce type d'AVK, faites vérifier par le médecin le nombre de prises journalières nécessaires. En cas d'oubli, vous avez exceptionnellement 8 heures pour vous rattraper (n'en faites pas une habitude), passé ce délai, ne prenez plus la prise oubliée, attendez la suivante (si vous aviez deux quantités différentes, par exemple 2 mg oubliés et 1 mg le jour suivant, reprenez par les 2 mg et continuez votre schéma). Surtout ne doublez jamais la prise! Prévenez le médecin.

Malade?

Attention quand vous êtes malade, vos taux peuvent s'en ressentir, comme par exemple en cas de grippe, d'une fièvre, de vomissements.

De même, les traitements que vous prenez à long terme on un effet :

Les hormones thyroïdiennes (Euthyrox etc) font baisser l'INR, mais comme elles sont prises en continu et généralement sans modifier le dosage, vous ne noterez pas cette action car le dosage AVK sera adapté en conséquence. Même chose pour les Oméga 3 que vous prenez tous les jours ou d'autre produits du même type. Si vous les prenez quotidiennement avec régularité, cela ne posera pas de difficulté. Ce à quoi il faut faire attention sont les changements, l'introduction de nouveaux médicaments ou un arrêt. Ne prenez jamais de médicament sans en avoir parlé avec le médecin, certains effets pouvant avoir des conséquences dangereuses, on ne peut pas le répéter assez souvent. En particulier les anti-douleurs, aspirine, anti-inflammatoires comme le Voltaren, le Brufen, l'Apranax augmentent énormément le risque de saignement et sont à proscrire.

Les AVK sont classés par types, selon la durée de demi-vie

La demi-vie, cela correspond à quoi exactement ?

Les AVK que vous prenez sont éliminés peu à peu de votre organisme. La demi-vie est le temps nécessaire à l'élimination de la moitié de la molécule dans le sang après qu'elle soit arrivée à sa concentration la plus élevée. Selon les classifications, on trouve soit 2, soit 3 durées différentes selon lesquelles sont classés les médicaments, nous en garderons deux, c'est la classification la plus courante :

  • demi-vie courte

  • demi-vie longue

Les AVK à demi-vie longue permettent une anticoagulation plus stable. Comme je viens de passer d'un AVK à demi-vie courte (le Sintrom) à une demi-vie longue (le Marcoumar), je vais voir si c'est effectivement le cas. Je n'ai jamais pu obtenir en dix mois un semblant de stabilité avec le Sintrom. Je reviendrais là-dessus quand j'aurai suffisamment de recul. En tout cas j'ai appris entre-temps que le Sintrom à été retiré du marché allemand justement parce que sa courte demi-vie rendait extrêmement difficile d'arriver à une anticoagulation correcte et stable (référence). J'ai trouvé dans les recommandations médicales destinées aux médecins de l'hôpital d'Albi, que les AVK à demi-vie courte (ici il s'agissait nommément du Sintrom) se prennent en 2 prises par jour.

Les AVK peuvent être classés comme suit :

Type de molécule

Demi-vie

Médicament

Phénindione

Très courte : 5 à 10 heures

Pindione

Acénocoumarol (dérivé coumarinique)

Très courte : 8 à 10 heures

Sintrom, Minisintrom

Tioclomarol

Longue : 24 heures

Apegmone

Fluindione

Longue : 30 heures

Préviscan

Warfarine (dérivé coumarinique)

Longue : 35 à 35 heures

Coumadine

Phenprocoumone

Très longue : 160 heures

Marcoumar, Falithrom, Marcuphen, Phenpro-ratiopharm

La phenprocoumone est de loin la molécule la plus utilisée en Europe, car sa demi-vie très longue permet une anticoagulation constante et individuelle. On peut la comparer avec un paquebot qui ne se laisse pas arrêter par des incidents mineurs (comme un vomissement), même un oubli ne provoque pas immédiatement une catastrophe. Par contre, en cas de surdosage ou de saignement intempestif, il ne suffira pas d'attendre que le médicament n'agisse plus, il faudra donner des facteurs de coagulation ou de la vitamine K.

Les américains utilisent surtout de la Warfarine.