Les prises de sang, il n'y a pas que cette possibilité pour vérifier un INR, mais il faut bien faire vivre les laboratoires...
Nous sommes en l'an de grâce 2008, dans tout ce que l'on
nomme l'Europe (et au loin dans le continent dit des Amériques),
les patients devant prendre des anticoagulants à long terme peuvent acquérir
un petit appareil leur permettant de procéder eux-même
au test important de l'INR. Partout ? Non pas partout, car un petit pays
résiste encore et toujours à cette méthode
approuvée partout : la France. Pour paraphraser des personnages de bande dessinée "Ils sont fous ces gaulois !"
Après le diagnostique « Leyden V » positif et des récidives de thromboses avec l'embolie en cadeau intermédiaire, il était clair que les AVK seraient pour moi du très long terme. La première année, j'ai subit une centaine de prises de sang pour contrôler l'INR instable, mes veines commençaient à ressembler à un gruyère, la douleur était en nette augmentation lors de chaque nouvelle intervention de l'aiguille car la cicatrisation veineuse rend l'opération de plus en plus difficile (les veines durcissent). Je ne parlerai même pas du temps perdu à fréquenter le laboratoire, des heures d'angoisse à attendre le résultat, des coûts de déplacement, téléphone, des retards au travail...
J'ai donc demandé à mon médecin si je pouvais
avoir un Coaguchek, un appareil portable permettant de faire soi-même la mesure INR
et il a approuvé ma demande. Au Luxembourg comme en Allemagne,
la prise en charge de cet appareil d'auto-mesure est accordée
par la Caisse d'Assurance Maladie à la condition d'avoir suivi
une formation auprès d'un centre agréé. Les
consommables (languettes de test et lancettes) sont remboursés
en totalité. Il existe des pays où l'appareil n'est pas
remboursé par la Caisse, mais les consommables oui (drôle de logique) alors
que l'on ne demande pas, je pense tout du moins, aux diabétiques
de payer de leur poche leur système de contrôle sanguin
nécessaire au traitement correct, j'irai même jusqu'à dire vital car un mauvais dosage et un test fait trop tard peuvent avoir des conséquences catastrophiques.
Je savais que le Coaguchek n'est pas distribué en France (il est autorisé depuis peu dans le cas d'enfants sous anticoagulants : décision de la Haute Autorité de Santé pour le Coaguchek, pour InRatio), mais pourquoi donc ? Posons-nous d'abord les bonnes questions afin d'ébaucher une tentative de réponse.
1) L'appareil ne serait-il pas fiable ?
Cet appareil est autorisé partout, sauf en France. Les
français seraient-ils donc faits différemment des
autres populations européennes ? Selon les études
menées, la mesure de l'INR par les patients s'est révélée
fiable à long terme. Mieux que cela, on s'est rendu compte
dans les pays où le Coaguckek est utilisé à
grande échelle comme l'Autriche ou l'Allemagne (10% des
anticoagulés à long-terme allemands en ont un) que les problèmes
comme des thromboses ou des saignements suite à de mauvais
dosages sont nettement moindres car les tests sont bien plus
réguliers (une fois par semaine contre un espacement allant
jusqu'à un mois avec la prise de sang).
En effet, une étude de l'ESCAT à montré que 80% des anticoagulés mesurant leur INR seuls restaient dans leurs valeur cible, contre 54% de ceux testés par les médecins ou les laboratoires.
Pour être certaine de la qualité des mesures faites sur mon Coaguchek, j'ai fait une prise de sang à l'hôpital le 5 février 2008 et j'ai eu le résultat une heure après : INR de 2,8. Le temps de rentrer chez moi et je pouvais faire une mesure moi-même : résultat immédiat - INR 2,8. Qui dit mieux ?
2) L'appareil serait-il trop cher?
Aucune illusion à se faire, les caisses de l'Assurance Maladie allemande ne sont pas plus pleines que celles de l'équivalent français. Les personnes qui reçoivent cet appareil sont sous anticoagulants à vie, alors quels sont les coûts à prendre en compte ?
Le Coaguchek XS coûte environ 650 euro, ce qui nous donne l'équivalent de 100 prises de sang (la prise de sang simple par une infirmière, hors coût du laboratoire). Les consommables coûtent environ 200 euro par an, pour 48 tests en en faisant un par semaine (la première année vous en ferez plus, puis vous devrez doubler des mesures car vous en aurez loupé une au début par manque d'expérience - par la suite il sera possible de ne mesurer que toutes les deux semaines si vous êtes parfaitement équilibré), ce qui nous donne un peu plus de 4 euro par test fait. Même sans être un as des mathématiques, il est facile de comprendre que pour toutes les personnes sous médication à vie, les coûts de l'auto-mesure sont moindres, l'investissement de départ étant vite amorti et cela sans même prendre en compte les économies considérables dues aux rechutes moins nombreuses.
3) Les personnes ne sauront pas s'en servir !
Les français seraient-ils moins capables que les autres européens ? A moins d'être vraiment diminué intellectuellement, de souffrir de maladies comme Alzheimer, de tremblements, il est tout de même peu probable qu'une personne ayant bénéficié d'un cours sérieux ne sache pas se servir de l'appareil. Même un enfant de 10 ans un tant soit peu responsable et pas peureux en serait capable après une formation, c'est comme tout, cela s'apprend.
Conclusion
Il semble que malgré le fait que l'appareil soit fiable, économique sur le long-terme et utilisable par une grande majorité de patients, on mette à ces derniers des bâtons dans les roues pour l'obtenir, mais pourquoi ?
Je vais oser une simple hypothèse sans langue-de-bois...
Et si ce n'était simplement pas du tout l'intérêt des laboratoires d'analyses médicales ? Ne nous faisons aucune illusion sur le sujet, il faut bien les faire vivre les laboratoires dont le nombre en France est un record. Il faut savoir qu'il y en a 4500 en France contre moins de 300 en Allemagne, pays bien plus grand et plus peuplé. Que feraient-ils donc ces laboratoires si les patients sous AVK se débrouillaient tout seuls ? Ils gagneraient évidemment beaucoup moins bien leur vie. 600 000 personnes sous anticoagulants en France, cela en fait des prises de sang qui rapportent régulièrement ! Il faut bien les faire vivre les laboratoires, imaginez, il y en a un pour environ 14000 habitants en France contre un pour 820000 en Allemagne, cherchez l'erreur.
J'ai la chance de ne pas être touchée par ces considérations qui sont pour moi bassement politiques (cyniquement, je suppose que si l'on décidait de rembourser l'appareil, les laboratoires feraient grève), mais je trouve honteux que les personnes qui souffrent déjà assez de leurs maladies doivent subir les conséquences du lobbyisme d'une corporation dont le but est de continuer à s'en mettre plein les poches, tant pis pour l'Assurance Maladie et les malades.
Je me trompe ? La raison est toute autre ? Je vous écoute, j'ai osé une opinion basée sur une observation, donnez-moi la votre, les commentaires sont faits pour cela.